Bonjour,
J'ai bien pris conscience que la spasmophilie est devenue dans notre société un syndrome dont souffre 15 % de la population (déclaré), c'est pourquoi j'ai souhaité interviewé Mr Rubinstein, médecin spécialiste de l'exploration fonctionnelle du système nerveux.
Comment vous êtes-vous intéressé au syndrome de la spasmophilie en tant que médecin?
Jeune médecin dans le service de neurologie de la Salpêtrière (entre 1970 et 1980), nous faisions beaucoup d'électromyogrammes appelés "recherche de spasmophilie". Ces examens étaient destinés à mettre en évidence une hyperexcitabilité neuromusculaire chez des patients présentant de nombreux symptômes physiques et dont on disait à l'époque : "ils n'ont rien" ou "ils sont névrosés".
Je me suis beaucoup intéressé à ces patients qui dans leur grande majorité n'étaient ni "des malades imaginaires" ni des "névrosés". Fort de mon expérience, j'ai écrit mon livre, "Êtes-vous spasmophile ?" en 1981. Il a rencontré une large audience puisqu'enfin un médecin parlait clairement de ces problèmes, avançait des explications et proposait des solutions.
Qu'est-ce que la spasmophilie?
La spasmophilie est un état latent d'hyperexcitabilité neuromusculaire, probablement un terrain génétique, qui concerne environ 15%de la population. Ce n'est pas alors une maladie mais plutôt une hypersensibilité.
Pour des raisons diverses (stress physiques ou psychologiques, surmenage, déficits en vitamines et sels minéraux, etc...) le terrain spasmophile peut "se décompenser" et devenir une maladie, responsable de très nombreux symptômes, parfois handicapants.
Pourquoi sommes-nous affecté par celle-ci ?
La notion de terrain est importante puisque la réactivité aux stress dépend des individus et est différente de l'un à l'autre.
Est-ce un syndrome physiologique ou/et psychologique?
C'est à la fois physique, puisqu'il y a des causes physiques (en particulier les désordres métaboliques qu'il faut corriger) et des causes émotionnelles qu'il faut prendre en compte. De plus, le symptômes inexpliqués créent de l'angoisse et que l'angoisse elle-même accentue les symptômes (cercle vicieux).
Comment peut-on amoindrir les symptômes et peut-on la guérir ?
Le but du médecin est de rééquilibrer le patient. Un spasmophile "latent" est comme un équilibriste sur une corde raide. Pour toute sortes de raisons, il peut glisser de sa corde, se "décompense", tomber, tomber malade... Le traitement vise à faire remonter le patient sur la corde, à lui faire retrouver l'équilibre, puis à conserver cet équilibre dans les circonstances parfois difficiles de la vie quotidienne.
A quoi sert un électromyogramme ? Est-il nécessaire de faire cet examen ?
L'électromyogramme sert à quantifier le niveau d'hyperexcitabilité neuromusculaire d'un patient à un moment donné. Je le cote de 0 à 10, en fonction de l'intensité des signes enregistrés. Cet examen est nécessaire dans le cadre de la spasmophilie, car ses résultats sont objectifs. Il est d'autant plus nécessaire qu'il peut aussi éventuellement détecter d'autres types d'anomalies neuromusculaires, qui ne sont pas de la spasmophile, mais dont les symptômes peuvent y ressembler (par exemple, le syndrome du canal carpien provoque des fourmillements des mains qui ne sont pas en rapport avec la spasmophilie).
Quel est votre avis en tant que médecin sur ce syndrôme ?
En tant que médecin, le pense que le syndrome spasmophile existe bel et bien, qu'il peut être responsable de nombreux symptômes physiques et/ou psychiques inexpliqués ou mal expliqués. Qu'il est important de le reconnaître en tant que réalité clinique pour nommer les raisons de la plainte et instituer un traitement adapté qui y mettra fin.
Comment pourrions-nous rassurer une personne atteinte de spasmophilie pour lui redonner du courage ?
Une personne atteinte de spasmophilie, c'est à dire dont les symptômes sont présents puisque sa spasmophilie s'est décompensée doit comprendre les mécanisme et savoir qu'il est tout à fait possible de "guérir", c'est à dire de remonter sur sa corde, de retrouver un équilibre et de revivre normalement.
C'est le rôle du médecin de le faire, qu'il s'agisse de médecines allopathiques ou alternatives. De nombreuses techniques non médicamenteuses, visant à retrouver la maîtrise de son corps comme la relaxation, la sophrologie, les thérapies cognitives et comportementales, constituent une aide importante et parfois déterminante.
Dr Henri Rubinstein
Neurologue Médecin spécialiste de l'exploration fonctionnelle du système nerveux.
Sa Bibliographie
Êtes-vous spasmophile?
- Paris, Editions Robert Laffont - 1981
rééditions mises à jour en 1986, 1992, 1999 et 2004
(Livre d’Or)
Edition de poche: Marabout
Psychosomatique du rire - Rire pour guérir
- Paris, Editions Robert Laffont - 1983
plusieurs rééditions
traduit en Allemand et en Espagnol (Mexique)
Médecine de la douleur
- Paris, Editions Robert Laffont - 1986
Traduit en Espagnol et en Chinois (mandarin)
L’équation du bonheur
(en collaboration avec Roland Topor)
- Paris, Editions Balland - 1988
Le virus de la déprime (Le syndrome de fatigue chronique)
- Paris, Editions François Bourin - 1991
Vivre sans fatigue
- Paris, Editions Payot - 1992
traduit en Italien et en Portugais
La mémoire qui flanche - Êtes-vous Alzheimer?
- Paris, Editions NiL - 1996
Traduit en Allemand, en Espagnol et en Grec
La dépression masquée (l’identifier, la maîtriser, s’en libérer)
- Paris, Editions JC Lattès - février 1999
Edition de poche: J’ai lu
La médecine du bonheur
- Paris, Editions JC Lattès - février 2002
Les handicaps invisibles
- Paris, Edition du Seuil – mars 2008
Notre corps et ses crises
- Paris, Editions JC Lattès – mars 2010